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Version du 20 août 2014 à 10:40
Le territoire français compte 525 000 km de cours d'eau qui transportent chaque année, en moyenne 6 millions de m3 de sédiments. Les opérations de curage et de dragage des cours d’eau et des voies navigables sont indispensables pour assurer le transfert des masses d’eau, limitant ainsi les risques d’inondation, et pour maintenir une profondeur suffisante pour les voies navigables. Les sédiments issus du dragage doivent être, de préférence, réintroduits dans le cours d'eau afin de maintenir un bilan sédimentaire équilibré. Toutefois, si la qualité des sédiments, l'environnement biologique du cours d'eau, son régime hydraulique et les facteurs technico-économiques ne sont pas favorables à une opération de clapage (1) , les matériaux doivent alors être extraits et dirigés vers des filières adaptées. La valorisation agricole est l’une d’elles. Pourtant, alors que ces sédiments présentent souvent de réels intérêts agronomiques pour les sols, leur valorisation sur les terres agricoles est (trop) peu répandue.
- Cadre réglementaire
La directive n°2008/98/CE du 19/11/08 relative aux déchets, indique que les sédiments hors d'eau sont considérés comme des déchets. Selon la définition de la loi n°75-633 (1975) modifiée par la loi n° 92-646 (1992) intégrée dans le Code de l’Environnement, les sédiments de dragage sont considérés comme des déchets en tant que produit de l’activité d’entretien d’un cours d’eau ou d’un canal. L’épandage agricole de sédiments ne bénéficie à ce jour d’aucune réglementation spécifique. L'absence de ce cadre législatif dédié aboutit fréquemment à des pratiques empiriques de la valorisation des sédiments en agriculture. L'article 9 de l'arrêté du 30 Mai 2008 fixant les prescriptions générales applicables aux opérations d'entretien de cours d'eau ou canaux soumis à autorisation ou à déclaration, mentionne la possibilité d'effectuer « un épandage agricole, sous réserve de l'accord des propriétaires des parcelles et du respect des prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles fixées parl'arrêté du 8 janvier 1998 ». De même, l'article 4.a) de la circulaire du 4 Juillet 2008 relative à la procédure concernant la gestion des sédiments lors de travaux ou d’opérations impliquant des dragages ou curages maritimes et fluviaux, précise que l'épandage des sédiments de dragage sur une parcelle agricole ne peut se réaliser que pour des sédiments non dangereux. En résumé, les épandages de sédiments non dangereux sont donc possibles sous réserve de respecter les prescriptions de l’arrêté du 8 janvier 1998. Outre le respect des valeurs limites en concentration de certains contaminants permettant de s’assurer de l’innocuité des sédiments, et le respect des flux de ces mêmes contaminants, leur intérêt agronomique doit donc être démontré. Il est intéressant de souligner que le règlement relatif à la production biologique autorise depuis peu (voir le règlement d’exécution (UE) N°354/2014 du 08/04/2014), les sédiments anaérobies riches en matière organique provenant de masses d’eau douce comme amendement du sol. Dans ce cas, les valeurs limites de concentrations en éléments traces métalliques sont inférieures à celles de l’arrêté du 8 janvier 1998.
- Caractérisation agronomique des sédiments
L’intérêt agronomique des sédiments est à aborder sous deux angles :
• Intérêt amendant : Un sol agricole est considéré comme fertile s'il possède des éléments fertilisants mais surtout une texture et une structure équilibrée. Pour restructurer un sol à faible teneur en colloïdes (argiles), l’apport de sédiments stables, favorisant la résistance physique peut présenter un réel intérêt. La qualité de cette fraction minérale se base sur une analyse granulométrique. Elle permet d’apprécier les proportions d’argiles, de limons et de sables et de déterminer la texture du sédiment, et ses propriétés physiques.
Combinée à la détermination de la teneur en matière organique et en bases échangeables (calcium et sodium notamment), la stabilité structurale du sédiment peut être alors être qualifiée. Des sédiments issus d’un milieu saumâtre peuvent en effet présenter des concentrations importantes en sodium, susceptibles de déstabiliser leur structure, en limitant la floculation des colloïdes minéraux (dispersion des argiles). Plus d’information sur le calcul des indices de stabilité et le battance : ici. La proportion de matière organique dans la matière sèche des sédiments varie entre 90%, dans le cas de la tourbe, et moins de 2% pour les sables de rivière. La composition de cette matière organique est généralement identique d'un type de sédiment à un autre. En général, la proportion de matière organique est de l'ordre de 2 à 10% pour les sédiments des cours d' "eaux vives" et elle est constituée à 60% de composés humiques.
• Intérêt fertilisant : cet axe s’intéresse à l’aptitude des sédiments à apporter des éléments fertilisants disponibles à destination des cultures. Contrairement à une boue d’épuration, un sédiment présente une fraction minérale importante, qui l’apparente davantage à de la terre qu’à une boue. La caractérisation de la valeur fertilisante du sédiment est mesurée au laboratoire par l’analyse des paramètres agronomiques classiquement réalisés sur les boues, en contenu total, utilement complétés par des caractérisation appartenant au domaine des terres (granulométrie 5 fractions, phosphore assimilable, potassium échangeable, matière organique libre/liée, …). D’après les analyses réalisées au laboratoire LCA, les teneurs en phosphore total et en potassium total des sédiments sont souvent assez élevées, pouvant être proches de celle d'un fumier ou d’un compost végétal. L’analyse des éléments assimilables ou échangeables permet de relativiser cette richesse : les quantités de phosphore Joret-Hébert et de potassium échangeable sont comparables à celles mesurées dans les sols agricoles. Les teneurs en azote, et par conséquent le rapport C/N, sont très variables d’un sédiment à l’autre. Les formes minérales de l’azote (principalement la forme ammoniacale du fait des conditions anoxiques des sédiments en eaux) peuvent représenter des apports élevés d’azote minéral par les sédiments.
Le Tableau 1 illustre les différences importantes rencontrées au sein des sédiments. Celles-ci sont expliquées par la genèse de ces matériaux, la géologie et l’environnement global du milieu hydrique. Par exemple, le calcium et le pH seront plus élevés dans les sédiments de régions calcaires, et la matière organique sera plus présente sous une ripisylve (2) . De même, la granulométrie du sédiment va être en relation avec la géologie et l’hydrologie.
Les sédiments sont des intrants potentiellement très intéressants en agriculture. Leur intérêt agronomique peut être aisément mesuré en laboratoire, offrant ainsi aux acteurs de la filière un réel outil d’appréciation. Toutefois le contexte réglementaire ne facilite pas le développement de cette filière. En étant assimilés à des boues d’épuration, les seuils des flux maximum autorisés (notamment en matière sèche) limitent le plus souvent la quantité de sédiments à épandre à des doses sans effet significatif sur les propriétés physique des sols. L’usage à des fins de restructuration ou de reconstitution de sols par l’apport massif de sédiments s’en trouve limité. Les sédiments et les boues urbaines sont des matériaux très différents de par leur texture et leur composition mais également de par leur origine. La mise en place d’une réglementation spécifique serait probablement nécessaire au développement de cette filière de valorisation.
Sources :
- INRA – courrier de l’environnement - Le curage des sédiments des cours d'eau par Grégoire Schneider - CETE – CETMEF : Valorisation agronomique des sédiments de dragage de canaux : première expérimentation agricole en Saône - et - Loire (71) - Laurent Cantégrit, Sylvie Nouvion – Dupray – 2011 - Dragage d’entretien des voies navigables – Aide à l’élaboration et au suivi d’un plan de gestion pluriannuel – Cetmef – mai 2011 - INRA - La valorisation agronomique des sédiments marins de la Rance – Jeanne Bourret - Courrier de l'environnement de l'INRA n°31, août 1997
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(1) Le clapage et la remise en suspension consistent à remblayer des fosses ou des zones présentant une forte érosion dans le cours d’eau faisant l’objet d’un dragage. Ces pratiques permettent de garantir l’équilibre sédimentaire du cours d’eau. Elles sont soumises à autorisation ou déclaration au titre de la rubrique 2.2.3.0 sur les rejets dans les eaux de surface et doit être prévue dans le plan de gestion. Ce procédé d'élimination est prioritaire selon l'arrêté du 30 mai 2008.
(2) Ripisylve : formations végétales qui se développent sur les bords des cours d'eau ou des plans d'eau situés dans la zone frontière entre l'eau et la terre (écotones). Elles sont constituées de peuplements particuliers en raison de la présence d'eau sur des périodes plus ou moins longues : saules, aulnes, frênes en bordure, érables et ormes en hauteur, chênes pédonculés et charmes sur le haut des berges.