Le phosphore

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Les impasses en phosphore ne sont plus rares aujourd’hui en grande culture. Elles ne sont pourtant pas toujours sans conséquence. Des baisses de rendement, bien que non systématiques, peuvent être observées après plusieurs années d’impasse. Pourtant cet élément est l’un des constituants majeurs de la croûte terrestre. Les quantités totales de phosphore des sols français sont de l’ordre de 10 000 kg/ha, soit en moyenne 200 fois supérieures aux besoins des plantes cultivées. Malgré tout, plus de la moitié des sols cultivés en France ont des réserves limitées en phosphore dit assimilable (Figure 1). Pourquoi ce stock de phosphore n’est-il pas plus utilisable par les végétaux ? Partant du constat que dressait Ph. Duchaufour en 1997 que «le problème de la nutrition en phosphore est bien souvent lié à celui de la mobilisation des réserves », comment mesurer la capacité d’un sol à subvenir aux besoins des cultures ? D’ailleurs, disposons-nous d’outils de mesure efficaces ?

Au laboratoire

Plusieurs méthodes sont habituellement utilisées pour doser le Phosphore dit assimilable.

  • Méthode JORET-HEBERT (Normalisée NFX 31-161)

Applicable à tous les types de sol.

1. a) 4 g de terre fine

    b) 100 ml d’oxalate d’ammonium neutre 0,1 N

2. Agitation (120 mn)

3. Centrifugation

4. Dosage par colorimétrie ou spectrométrie

  • Méthode DYER (Normalisée NF X 31-160)

Utilisée pour les sols acides dont le taux de calcaire total est inférieur à 20 g/kg.

1. a) 10 g de terre fine

    b) 50 ml d’acide citrique

2. Agitation

3. Centrifugation

4. Dosage par colorimétrie ou spectrométrie

  • Méthode OLSEN (Normalisée NFISO 11263)

Peut-être utilisée sur tous types de sols. L’extraction est, dans ce cas, effectuée par une solution de bicarbonate de sodium 0,5 M.

Expression des résultats : en g/kg de P2O5 (anhydride phosphorique)

Il existe plusieurs autres méthodes, moins diffusées ou encore à l’étude. En fait, cette multiplication des techniques met bien en évidence la difficulté de compréhension des mécanismes d’assimilation du phosphore par la plante. Contrairement au potassium ou à l’azote dont le passage dans la racine est relativement passif, les prélèvements de phosphore nécessitent une participation racinaire active et liée à la vie du sol (mycorhizes…). La porosité du sol et sa qualité biologique, l’état du système racinaire, sont autant d’éléments dont il faut tenir compte (avec le pH du sol) pour interpréter les capacités de mobilisation du phosphore d’une parcelle.

Signification

  • Une dynamique complexe

Le phosphore est indispensable à la vie végétale, surtout en début de végétation et dans les organes jeunes. Elément constitutif des tissus, il joue aussi un rôle important dans la synthèse et le métabolisme des glucides et se concentre dans les organes reproducteurs. Il semble que la plante absorbe surtout le phosphore sous la forme monovalente de l’ion phosphate H2PO4-, qui diminue lorsque le pH augmente ; ceci explique les difficultés de nutrition en phosphore rencontrées en sol basique.

Dans le sol, le phosphore a pour seule origine l’apatite, roche dans laquelle il se trouve associé au calcium. Au cours du processus d’altération et de formation des sols, les ions phosphate des apatites sont libérés par dissolution et peuvent être :

- absorbés par les plantes ou des microorganismes et intégrés aux matrices organiques. A la mort de ces organismes, le phosphore est reminéralisé et se trouve de nouveau sous des formes assimilables

- incorporés au complexe argilo-humique, sous une forme plus ou moins assimilable

- rétrogradés en une nouvelle forme cristallisée et insoluble, dans les sols très acides (phosphate d’aluminium ou de fer) ou au contraire en milieu calcaire (phosphates tricalciques associés au calcaire actif). Le pH optimum de mobilisation des réserves en phosphore se situerait entre 5,5 et 6.

La plante s’alimente à partir des ions phosphate dissous dans la phase liquide interstitielle du sol, ou solution du sol. En raison des phénomènes d’absorption par les organismes vivants, de fixation sur le complexe argilo-humique et de rétrogradation, associés à une faible mobilité des ions phosphate, le phosphore se trouve en quantité relativement faible dans la solution du sol. Mais cette dernière est alimentée en permanence par la part fixée par le sol à travers une cinétique complexe. Finalement, alors que la solution du sol ne contient que 0,1 à 0,4% du phosphore total du sol, elle fournit plus de 80% du prélèvement de cet élément par les végétaux, grâce à la diffusion des ions phosphate présents sur la phase solide du sol (Fardeau et Conesa, 1994).


Formes du phosphore dans le sol.

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Solubles eau : DAP, Supers...                                        Source : GEMAS

Hypo-solubles : bicalciques, phosphal, amendements sidérurgiques...

  • La méthode Dyer est abandonnée par la plupart des laboratoires (surestimation du phosphore assimilable).

Conséquences agronomiques

Dynamique du phosphore

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A chaque type de sol, correspond une “carte” des possibilités d’assimilation du phosphore par la plante en intensité et en rapidité.


Interprétation

Bases du conseil de fumure.

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  • Comment interpréter les résultats ?

Etant donnée la dynamique du phosphore, l’interprétation des résultats d’analyses n’est pas toujours évidente, mais elle est possible… à condition de disposer d’informations complètes sur l’historique de la parcelle ! Le raisonnement de la fertilisation phosphatée au Laboratoire AUREA utilise notamment le logiciel REGIFERT, développé par l’INRA, de type Comifer. Il prend en compte le niveau d’exigence en phosphore de la culture. En effet une teneur en phosphore assimilable dans le sol de 200 mg de P2O5 Joret-Hébert /kg peut être satisfaisante pour un blé tendre, mais nécessitera un complément pour un colza.

L’interprétation du résultat d’analyse donne également une place importante au sol, en intégrant l’appréciation du pouvoir fixateur du sol vis à vis du phosphore, la capacité d’exploration du sol par les racines et le passé récent de fertilisation (impasse ou non). Ce raisonnement intègre également le devenir des résidus de cultures ainsi que le prélèvement maximal de la plante pour pouvoir réaliser son cycle complet de développement sans perte de rendement. Certains facteurs, tels la mycorhization des racines, sont cependant ignorés, alors qu’ils peuvent fortement contribuer à l’assimilation du phosphore, en augmentant considérablement le volume de sol exploré et en optimisant l’absorption d’éléments nutritifs. Selon les spécialistes, près de 95% des végétaux bénéficient de cette association avec un champignon, dont les plantes cultivées (vigne, grandes cultures, arboriculture). Le colza et la betterave font partie des rares espèces non mycorhizées.

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  • Compléter efficacement l’offre en phosphore du sol

Les engrais ont pour fonction principale d’apporter aux plantes des éléments directement utiles à leur nutrition, quand le sol n’est pas capable de les fournir au bon moment. En ce qui concerne le phosphore, on utilise différentes solutions d’extraction pour apprécier sa solubilité dans les engrais : eau, citrate d’ammonium neutre ou alcalin, acide formique. La solubilité dans les réactifs d’extraction est utile pour adapter le type d’engrais aux caractéristiques du sol et aux modalités d’apport :

- Sols acides et très acides : engrais peu solubles (type phosphates naturels) ; un complément sous forme très soluble peut cependant être effectué au printemps pour soutenir la végétation

- Sols basiques : engrais très solubles (type superphosphates triples, MAP, DAP…) ; attention par contre à la forte salinité de ces produits et à leur agressivité sur la flore végétale et animale du sol.

- Autres sols : la plupart des engrais présents sur le marché sont utilisables, sauf les moins solubles.

L’utilisation de produits résiduaires organiques (boues de stations d’épuration, composts, effluents d’élevage, …) est également une source phosphatée qu’il ne faut pas négliger. Le dosage du phosphore total apporté par ces matières constitue une première information utile mais l’analyse chimique simple ne suffit pas à évaluer la disponibilité du phosphore avec précision. D’autres approches complémentaires, comme les tests spécifiques de biodisponibilité par exemple, peuvent alors être mises en œuvre en laboratoire.


  • Exit l’effet « vieille graisse »

Cet effet, selon lequel les apports anciens d’engrais sont mieux utilisés par la culture que les apports récents, n’est observé que de façon exceptionnelle. On conseille aujourd’hui, étant donnée la difficulté à mobiliser les réserves de phosphore du sol, d’apporter le phosphore au plus près des besoins et au plus près des racines. Corollairement on considère qu’il n’est plus nécessaire d’entretenir des teneurs élevées en phosphore dans les sols, inutiles et préjudiciables en terme environnemental (eutrophisation…).

Quant aux apports par voie foliaire, leur efficacité nutritionnelle est très discutée, en grande culture comme en viticulture, arboriculture ou maraîchage. Ils doivent être considérés davantage comme des apports de correction, c'est-à-dire comme un complément des apports au sol dans des conditions particulièrement défavorables (enracinement, concurrence … pouvant entraîner une déficience de l’absorption racinaire). Par contre ces apports foliaires pourraient présenter une action mécanique, sur pommes notamment.