Le traitement
L’Organisation Mondial de la Santé (OMS) accorde une très grande importance à l’innocuité microbiologique des approvisionnements en eau de boisson. Selon cette organisation, 1.1 milliard de personnes à travers le monde sont dépourvues d’accès à des systèmes améliorés d’approvisionnement en eau. Ce manque d’accès à une eau de boisson sûre, allié à un assainissement insuffisant et au manque d’hygiène, est un facteur qui contribue largement aux 1.8 million de décès annuels pour cause de maladies diarrhéiques. Ces dernières touchent les personnes les plus fragiles et notamment les enfants de moins de 5 ans… L’une des principales étapes pour assurer la stabilité biologique de l’eau d’alimentation est la désinfection. Cette action est indispensable pour assurer la production et la distribution d’une eau conforme aux normes sanitaires.
Pourquoi désinfecter l’eau ?
Dans les pays Occidentaux, les risques épidémiques liés à la consommation d’une eau contaminée par des germes très virulents (à l’origine du choléra ou de dysenterie par exemple) ont quasiment disparus. Toutefois, il reste possible de retrouver des cas de contamination bactériologiques notamment sur des petites unités de production et réseaux de distribution. Les germes responsables sont surtout des bactéries du groupe des Entérobactéries, comme les salmonelles, shigelles ou encore Escherichia Coli. Les ressources hydriques naturelles de surface ou peu profondes sont fréquemment impactées par les activités humaines. Les germes issus de système d’assainissement défectueux, de la présence d’animaux d’élevage à proximité des zones de captage, les réseaux de distribution anciens ou mal entretenus sont autant d’origines possibles.
L'eau naturelle est donc susceptible de contenir des micro-organismes qui, par leur nature et leur concentration, peuvent être acceptables, indésirables, voire toxiques ou dangereux. Par défaut, elle doit être considérée comme non utilisable directement en l’état pour la consommation humaine car sa qualité microbiologique peut varier à tout instant. Elle doit subir des traitements pour pouvoir être consommée sans danger par l'ensemble de la population. La désinfection et l’ajout de stabilisant bactérien (chlore par exemple) sont les étapes de traitement qui permettent d’éliminer les bactéries et virus pathogènes susceptibles de provoquer une maladie hydrique et de stocker l’eau sans risque de développement bactérien.
- Notion de Pouvoir Désinfectant
L’élimination des micro-organismes par un désinfectant répond à la [loi de CHICK – WATSON][1] : Log10 (N/ N0) = k.Cn.Tm
Avec :
N : nombre de micro-organismes survivants
N0 : nombre initial de micro-organismes
Cn : Concentration du désinfectant
Tm : temps de contact
K : coefficient spécifique de létalité du désinfectant
La notion de couple (Cn x Tm) est donc essentielle.
- La désinfection au chlore
Parmi les procédés chimiques, le chlore est sans conteste le plus connu et le plus utilisé. Sa mise en œuvre se fait le plus souvent sous forme de gaz (Cl2) ou sous forme d’Hypochlorite de Sodium (eau de Javel NaClO).
- Mode d’action du chlore
En solution aqueuse et selon le pH, le chlore est dissocié principalement en deux formes : l’acide hypochloreux (HOCl) à pH acide et l’ion hypochlorite (ClO-) à pH alcalin.
La différence essentielle entre ces deux formes repose sur l’efficacité désinfectante. Ainsi le chlore sous forme HOCl (appelé chlore libre actif) est 100 fois plus efficace que le chlore sous forme d’ion hypochlorite (appelé chlore libre potentiel) !
En plus de ces propriétés désinfectantes, le chlore est également responsable de réactions chimiques que nous détaillons plus loin, interférant avec la désinfection.
L’utilisation du chlore en désinfection est en général privilégiée pour des pH inférieurs à 8.0.
- Les conditions pratiques d’une bonne désinfection au chlore
Dans des conditions standards, la mise en œuvre du dosage de chlore est souvent appliquée comme ci-dessous :
Le rôle du chlore libre résiduel est de maintenir une concentration suffisante en agent désinfectant tout au long du transport et de la chaine de distribution de l’eau potable. Cette notion est très importante. Il ne suffit pas de produire une eau potable en station. Il faut garantir sa conservation tout au long du réseau de distribution. La présence de chlore libre résiduel est la garantie d’une action désinfectante résiduaire en cas de risque de re-contamination dans le réseau de distribution. Il faut souligner que la concentration de l’eau en chlore injecté en station de production a tendance à décroître au cours du transport jusqu’aux points de distribution. C’est pourquoi, sur les réseaux de grande taille, il est recommandé d’installer des unités de rechloration, au niveau des stations de surpression, ou au niveau des réservoirs.
- La demande en chlore :
La présence de chlore résiduel libre implique d’avoir répondu à la « demande en chlore » de l’eau, due aux réactions chimiques avec les matières organiques et minérales. En effet, le chlore injecté va réagir rapidement avec des composés oxydables comme le fer et le manganèse, avec l’ammonium pour former des chloramines, ainsi qu’avec divers composés organiques. La demande en chlore est établie par un essai, qui consiste à déterminer la quantité de chlore nécessaire pour que ce dernier soit entièrement utilisé à la désinfection de l’eau (appelé également détermination du point de rupture ou « break point »).
Le point de rupture est obtenu lorsque la quantité de chlore injecté correspond à celle de chlore libre résiduelle. Ce graphique illustre ces réactions dites « annexes » d’oxydation qui sont consommatrices de chlore. La formation et l’élimination des chloramines, issues de la combinaison entre l’ammonium (NH4) et le chlore, nécessitera 10 mg/l de chlore à raison d’un mg/l de NH4.
Compte tenu de ces réactions complexes entre le chlore et les composés présents dans l’eau à traiter, il est fondamental de connaître ses caractéristiques physico chimiques et bactériologiques grâce à une analyse complète en laboratoire avant de procéder à sa désinfection. Les eaux de surface et certaines eaux souterraines nécessitent le plus souvent bien plus qu’une simple chloration pour fournir une eau conforme aux normes de qualité.
- La mesure du chlore libre résiduel :
Lors de la réalisation de prélèvements d’eau sur le réseau de distribution, il est fort recommandé de procéder à la mesure de ce chlore libre résiduel. Cette mesure doit être réalisée sur site, au moment du prélèvement et non au laboratoire. La norme NF EN ISO 5667-3 relative aux lignes directrices pour la conservation et la manipulation des échantillons d'eau préconise une mesure dans les 5 minutes qui suivent le prélèvement au maximum. La phase de transport, même courte, altère la mesure. Une analyse en laboratoire ne présente aucun intérêt. Les techniciens préleveurs LCA réalisent ce type de mesure lors de leurs interventions sur réseau de distribution.
- Autres techniques de désinfection
Depuis plusieurs années, d’autres techniques de désinfection se sont développés en alternative au chlore.
- la désinfection par l’irradiation UV. Le principe est celui de l’irradiation par le rayonnement UV, ces derniers étant absorbés par l’ADN et l’ARN des germes. Cette exposition entraîne la mort des cellules. Les rayons UV sont fournis par des lampes protégées dans des gaines de quartz, émettant un rayonnement à 254 nm de longueur d’onde. La dose appliquée est fonction de l’intensité d’irradiation UV (puissance des lampes) et du temps de contact eau/lampe. L’opération de désinfection consiste à faire passer l’eau à traiter sur les lampes en régulant le débit, l’épaisseur de la lame d’eau et la chute de puissance des lampes au cours du temps.
Ce mode de désinfection est régulièrement utilisé dans de nombreuses applications. Il est toutefois souhaitable de respecter certaines conditions de fonctionnement :
- l’eau traitée doit être faiblement chargée en Matières En Suspension (MES) et en matières organiques pour éviter une diminution de l’efficacité de l’irradiation.
- un temps de distribution relativement court entre la production et le consommateur car les UV n’ont pas d’effet rémanent, contrairement au chlore.
- Autres oxydants chimiques comme l’ozone (O3)
L’ozone est un oxydant et désinfectant plus puissant que le chlore. A concentration égale, l’action virulicide de l’Ozone ne nécessite que 4 minutes au lieu des 30 minutes nécessaires au Chlore. Toutefois son application en eau potable reste cantonnée à des installations spécifiques, compte tenu des coûts d’investissement et d’exploitation importants à mettre en œuvre (installation d’un générateur d’ozone sur site).